On décrit les religions basées sur la nature comme étant orientées vers la vénération de la flore, de la faune, des minéraux, bref, tout ce qui fait partie des trois règnes, c'est-à-dire le règne animal, le règne végétal et le règne minéral. Les forces mystiques de notre monde proviennent de ces trois règnes auxquels sont associées les différentes divinités honorées. De par son essence, la nature est le pouvoir suprême et est louée et glorifiée. Idéalement, on recherche à créer et à entretenir des liens avec ce pouvoir suprême. Généralement, les traditions néo-païennes sont considérées comme étant fondées sur la nature.
Selon cette définition brève, on peut déjà établir quelques arguments penchant pour le
« oui, le paganisme germanique est bien une tradition de la nature », puisque sont présents dans cette tradition des dieux de la fertilité, comme les jumeaux Frey et Freyja, les divinités et géantes de la terre, comme Nerthus, Frigg, Gerd ou Holda. On peut également songer au dieu Thor, qui non seulement symbolise les forces naturelles de la pluie, tonnerre et éclair mais fut également prié comme dieu des récoltes. L'importante présence d'animaux dans les mythes, tant les corbeaux ou le cheval d'Odin, ou encore le terrifiant loup Fenrir, sans oublier le culte du sanglier, peut également nous fournir de bons éléments attestant d'une révérence à la nature.
Parmi les croyances du paganisme germanique, le Wyrd tient un rôle majeur. Plus que notre destinée, le Wyrd constitue ce que nous nous sommes APTES à devenir. Contrairement aux croyances populaires, les divinités nordiques sont amicales, approchables et ne sont pas punitives. Elles nous demandent de les honorer et surtout de vivre notre vie de manière à conserver l'harmonie cosmique, de préserver la vie en Midgard (la Terre du Milieu - celle où nous habitons) de participer positivement à l'évolution et de se charger de la continuation de l'univers. Ces préceptes de vie sont directement liés à la nature et à ses habitants, entretenir et maintenir la vie, c'est savoir reconnaître la vie dans la nature, savoir reconnaître le sacré.
De plus, il ne faut pas oublier que c'est à partir de deux éléments qu'est né le premier des êtres, Ymir. En effet, ce dernier est né de la rencontre de la glace et du feu. Par la suite, c'est à partir de sa propre sueur qu'il a créé sa descendance (on peut voir ici le corps d'Ymir comme une métaphore de la Terre) et c'est de cette descendance que sont nés les dieux. Ces derniers se sont servis de la carcasse d'Ymir pour fabriquer la terre : ses dents furent les montagnes, son sang fut la mer, ses cheveux furent les forêts, ses yeux furent le soleil et la lune.
Songeons également à Yggdrasil, l'Arbre de Vie, l'Arbre du Monde. Cet arbre était déjà depuis longtemps enraciné lors de la création du monde et le demeurera même à sa destruction, symbole de la renaissance constante de la nature. Tous les êtres vivants de tous les règnes cohabitent en Yggdrasil, du plus minuscule insecte au plus énorme des géants. Nous habitons un arbre; cet arbre nous offre la vie et en retour, nous protégeons la sienne par le maintient de l'harmonie cosmique.
Non, le paganisme germanique n'est pas une tradition de la nature
À droite, nous trouvons ceux qui ne considèrent pas le paganisme germanique comme une tradition de la nature et qui se fondent sur cette définition sommaire pour établir leurs arguments.
Argument premier : les dieux fertiles ne constituent pas le culte central de cette tradition. Contrairement aux traditions du Druidisme ou de la Wicca qui cherchent à interagir avec la nature et dont les fêtes sacrées sont établies selon la fécondité de l'agriculture, ce genre d'interaction est rare au sein du paganisme germanique. Par exemple, lorsque l'on convoite la bénédiction divine afin d'assurer l'abondance des récoltes ou de la chasse, on ne s'adresse pas aux forces de la nature afin d'obtenir un résultat; les divinités reçoivent les offrandes directement. Le respect de l'environnement est important, la vénération d'une Déesse Terre n'est par contre pas un point dominant du paganisme germanique.
Cet argument fait référence aux fonctions tripartites indo-européennes de Dumézil qui sont :
- la première fonction : la fonction sacerdotale;
- la deuxième fonction : la fonction guerrière;
- la troisième fonction : la fonction productrice.
Argument second : le paganisme germanique est une tradition qui n'est PAS animiste. Pour appuyer cette affirmation, on mentionnera le monde des elfes et des fées. Contrairement aux traditions animistes, où l'on retrouve des esprits de la nature, on retrouve au sein du paganisme germanique des esprits qui élisent la nature comme habitat. En effet, on ne retrouvera pas un esprit de l'arbre, mais plutôt un esprit qui fait de l'arbre sa maison. Les traditions fondées sur la nature possèdent un concept animiste où toute forme vivante (un arbre ou une pierre, par exemple) est habitée par une essence spirituelle, à l'image d'une maison habitée par un être humain.
En résumé : la base de cette tradition ne s'inspire pas des trios règnes. Cette tradition est basée sur les obligations sociétales que nous avons envers les dieux eux-mêmes et non envers les forces qu'ils sont les seuls à pouvoir contrôler, bien qu'ils n'en soient pas les créateurs.
Oui, le paganisme germanique est une tradition de la nature
À gauche, leurs opposants. Diana Paxson, du groupe Hrafnar, dit :
« Pour moi, une "religion de la nature" représente les croyances et pratiques spirituelles de gens qui reconnaissent dépendre de la Terre pour leur survie. Concrètement, cela inclut les sociétés dont l'existence et la survie signifie de tuer des animaux pour les manger, de planter des graines pour qu'elles poussent, etc. Ces sociétés incorporent l'invocation des pouvoirs de la nature dans leur spiritualité, puisque leur but ultime est d'assurer la fertilité, leur croissance, leur survie. »
Cette citation peut être tenue contre le premier argument de la première vision. Il est évident que la troisième fonction n'était pas le point central des traditions nordiques. Par contre, la survie d'un peuple, de ses terres et de son bétail était capital et passait avant toute envie de « faire la guerre ». Si la première (sacerdotale) et deuxième fonction (guerrière) a pu évoluer, c'est parce que la troisième était bien établie.
Il peut être intéressant également de songer que la place de la nature fut de plus grand importance du temps où les Vanir (une famille divine) régnaient. Cette famille, à laquelle appartiennent Freyr et Freyja, sont des divinités fertiles. N'oublions pas non plus Njord, le père des jumeaux, dieu des mers et des rivages. Le règne des Vanir se termine lorsque les Aesir débarquent. Cette autre famille divine est considérée comme une famille guerrière, apportant avec elle une foi plus centrée sur la guerre et les armes. Il est souvent supposé que ces deux familles divines sont le symboles de deux peuples indo-européens qui se seraient partagés les territoires nordiques, le premier étant sédentaire et agraire, le second étant nomade et guerroyant.
Le premier argument avançait également que les célébrations du paganisme germanique ne sont pas basées sur l'agriculture. Or, cette affirmation peut-être démentie :
- solstice d'hiver : le sanglier du dieu Freyr occupe une place majeure puisque les gens lui offrent leurs prières pour une bonne et paisible saison avant de le sacrifier et de le déguster; n'oublions pas non plus la place que tient le conifère dans cette fête qui célèbre l'apogée de la lumière. On y célèbre également différentes familles d'esprits de la nature;
- début février : en Islande on fête le dieu Thorra et son épouse Groa qui représente la venue du printemps; au Danemark, c'était l'occasion de creuser les premiers sillons dans la terre;
- veille de mai : on célèbre la fertilité de la terre ainsi qu'Yggdrasil, l'Arbre-de-Vie;
- solstice d'été : on célèbre l'arrivée de l'été et de la chaleur, on décorait les champs, les fermes et les maisons de feuillage et verdure;
- début août : on remercie les dieux, particulièrement Freyr, pour les produits de la terre qu'ils nous ont fournis jusqu'ici;
- octobre : on célèbre la fin des moissons, les esprits de la nature, l'abondance de la récolte qui prend fin et les esprits des lieux.
En guise d'argumentation, l'étude sur la différence entre l'Asatru et la Wicca, The Pentagram and the Hammer dit : « l'Asatru a tendance à démontrer une révérence aux esprits du lieu plus importante peut-être même que la Wicca, avec ses célébrations entièrement dévouées à des esprits locaux mineurs. La Wicca s'intéresse peut-être plus à la botanique, contribuant ainsi à sa qualification de « tradition basée sur la nature » mais les adeptes de l'Asatru porte plus d'attention aux offrandes données à leurs esprits des lieux. En fait, il est fort possible que la seule autre tradition qui surpasse l'Asatru dans l'expression de ses multiples formes d'offrandes aux esprits du lieu soit celle des peuples indigènes comme les Autochtones d'Amérique du Nord par exemple. »
En conclusion
Le plus simple serait peut-être de définir le paganisme germanique comme une tradition de la nature et non comme une tradition BASÉE sur la nature. L'erreur possible est de croire que « tradition de la nature » se résume à « culte de la nature exclusivement »; ce qui s'avère à être faux. Plusieurs anthropologues n'ont aucune objection quand il s'agit de considérer le paganisme germanique comme une tradition de la nature.
Oui et non, cela est probablement la réponse la plus juste. On peut affirmer que les païens germaniques croient en que la nature (la terre, la mer, le ciel, etc.) est sacrée; on peut affirmer que les païens germaniques reconnaissent des esprits de la nature et qu'il les honorent; on peut affirmer que les païens germaniques reconnaissent être liés à la nature et aux autres êtres et que tous font partie du Sacré. Mais, la Terre n'est pas considérée comme notre principale ou unique déesse; tous les actes religieux ne sont pas directement liés à la Terre.
Sources :
Hrafnar
The Hammer and the Pentagram
Fonctions tripartites indo-européennes